Au moment d’une prise de conscience planétaire des enjeux écologiques, la consommation de l’eau est devenu un sujet central, et c’est une bonne nouvelle. Nous vivons dans un monde aux ressources limitées, il est grand temps de cesser de puiser à l’infini dans ce que la terre a à nous offrir. L’eau est une ressource renouvelable, mais qui manque dans certains territoires, selon les périodes. Nous devons collectivement apprendre à avoir une consommation raisonnée et consciente.
Piscine privée : des attaques déconnectées de la réalité
A la faveur de ce débat sur la gestion de l’eau, on entend depuis quelques années des critiques envers la consommation en eau des piscines privées en France. Il est vrai que la France possède un parc de 3,5 millions de piscines privées, ce qui la place au 2ème rang mondial en termes de piscines par habitants. Pour autant, ceux qui appellent à ne pas remplir les piscines, voire, pour les plus extrêmes, à les reboucher, ne semblent pas connaître pas les chiffres réels de la consommation d’eau en France, et la part imputable aux piscines. Sans même parler de leurs avantages (santé, bien-être, lutte contre les chaleurs excessives, réserve d’eau en cas d’incendie, diminution des déplacements etc), les piscines bien gérées consomment très peu d’eau, ce que nous allons voir en chiffres.
Les postes de consommation d’eau d’une piscine
Rappelons cette règle première : une piscine n’a pas besoin d’être vidée, et cela est même déconseillé car la structure, libérée du poids de l’eau, pourrait se déformer sous les poussées aléatoires du terrain. Seules des interventions sur le revêtement ou une rénovation importante peuvent exiger le vidage complet du bassin. Par contre, certaines situations nécessitent d’abaisser le niveau de l’eau. L’hivernage passif (mise en repos de la piscine pendant l’hiver), mais qui perd du terrain au profit de l’hivernage actif (sans baisse de niveau d’eau), ou des problèmes de traitement de l’eau (une eau sur stabilisée par exemple). En dehors de ces cas particuliers, seules des remises à niveau régulières sont indispensables pendant la saison, car l’évaporation et l’utilisation de la piscine prélèvent inévitablement un peu d’eau. Les contre-lavages de filtres (ou nettoyage des cartouches), nécessaires pour garder une filtration efficace, consomment de l’eau eux-aussi. Il est donc essentiel de couvrir sa piscine quand elle n’est pas utilisée, pour éviter l’évaporation, et de maintenir une eau claire pour éviter de laver son filtre trop souvent. En respectant ces bonnes pratiques, on estime qu’une piscine moyenne consomme environ 10 m3 d’eau chaque année.
La consommation totale d’eau en France
On ne peut pas parler de consommation d’eau sans comprendre la différence entre eau prélevée, eau consommée et eau effectivement distribuée.

L’eau prélevée est la quantité totale d’eau prise à l’environnement, en surface ou en souterrain, et représente environ 33 Md de m3. Mais près de 22 Md de cette eau est utilisée pour le refroidissement des centrales électriques ou pour alimenter les canaux navigables, et est donc restituée aux milieux aquatiques naturels. Il s’agit plus d’un emprunt que d’une consommation.

L’eau consommée est l’eau qui va être réellement utilisée sur la durée par les activités humaines. Elle représente 4,1 Md de m3 par an. L’agriculture et les centrales de production d’énergie représentent 70% de la consommation de l’eau qui ne sera pas restituée aux milieux aquatiques. Le chiffrage de la consommation des centrales a été rectifié en 2024 après avoir réévalué les calculs.

Si on enlève les forages, qui ne circulent pas par les canalisations des collectivités, l’eau distribuée représente environ 4,1 Md de m3 au départ, mais… seulement 3,2 Md de m3 à l’arrivée ! La raison est le rendement de ce réseau de canalisations, qui n’est que de 80,4%. 966 000 kilomètres de canalisations, dont la moitié ont été installés avant 1972, souffrent de l’usure du temps. Le renouvellement annuel des canalisations est pour l’instant de 0,63%, ce qui est très peu. A ce rythme, il faudra 150 ans pour réparer l’ensemble du réseau. Les Assises de l’eau, qui se sont tenues en 2019, visent la relance des investissements pour réduire les fuites et augmenter le rendement du réseau, avec un objectif de rendement situé entre 80 et 90%.

L’eau potable distribuée est celle qui arrive réellement au robinet des entreprises, collectivités et particuliers. Concernant l’usage domestique, la consommation quotidienne moyenne d’un adulte est estimée à 150 litres, soit 54 m3 pour une année. Près de 90% du volume est dédié à l’hygiène et au nettoyage.

Avec une consommation estimée de 15 m3 annuels, la piscine représente environ 10% de la consommation en eau d’une famille de 4 personnes. Cette consommation est comparable à celle des postes de lavage du linge ou de la vaisselle. Ce graphique n’est qu’une moyenne, qui ne peut pas montrer les importantes disparités selon les familles. Un jardin arrosé peut consommer jusqu’à 500 litres d’eau par jour, ce qui changerait radicalement les pourcentages du graphique. De même nos habitudes dans la salle de bains ont des conséquences importantes sur notre consommation de l’eau. Un bain consomme 175 litres, alors qu’une douche de 3 minutes, en consomme 60 (chiffres Véolia).

Les piscines privées consomment environ 42 millions de m3 par an. Rapportée aux 33 Md de m3 d’eau prélevée, cette consommation représente 0,13%. C’est peu, quand on se réfère aux 3,5 millions de piscines, mais cela n’empêche pas d’essayer de faire de son mieux pour réduire encore cette consommation, chacun à son échelle. Plutôt que d’accuser les piscines d’une consommation qui tient plus du fantasme que de la réalité, il vaut mieux apprendre à respecter et à économiser la ressource. Stigmatiser tel ou tel usage de l’eau, quand il est à la marge, n’apporte aucune solution. Nous devons tous interroger nos usages, et les optimiser sur le long terme. Les propriétaires de piscines en sont conscients et sont de plus en plus nombreux à gérer leur consommation au plus près. Les piscinistes, eux, sont déterminés à transmettre les bonnes pratiques, et participer à cet effort collectif.
Sources :
https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/prelevee-ou-consommee-comment-compter-sur-l-eau