Parmi les multiples conséquences du changement climatique que nous vivons, la raréfaction de la ressource en eau est un des défis majeurs à relever. D’après le dernier rapport du GIEC, «il y aura -10 à -40 % de débit dans nos rivières, -15 à -25 % de baisse des pluies en été et -10 à -25 % de baisse du niveau des nappes et des sols plus secs». Certains départements sont déjà durement frappés par une sécheresse inédite, y compris hors de la période estivale, les Pyrénées orientales, le Var, les Bouches-du-Rhône notamment.
Dans cette situation, il est indispensable de changer en profondeur notre approche et nos comportements vis à vis de la ressource. Il faut aujourd’hui considérer l’eau comme une ressource limitée, précieuse, et l’utiliser à bon escient. Ce changement de vision doit être porté par la société dans son ensemble, c’est-à-dire le gouvernement, les collectivités, les citoyens.
Le secteur de la piscine, sous l’impulsion de la FPP, n’a pas attendu les derniers événements pour réfléchir sur ces questions et agir. Les professionnels communiquent et partagent les bonnes pratiques auprès de leurs clients. On ne vide plus les piscines, sauf si cela est indispensable pour intervenir sur la structure ou le revêtement, on couvre les bassins, on réduit la fréquence et la durée des contre-lavages. L’eau utilisée par les piscines a baissé de moitié en 25 ans. Aujourd’hui, on considère qu’une piscine consomme environ 15 m3 par an, soit une surconsommation d’environ 10% pour une famille de 4 personnes. Quand il y a la volonté, cette surconsommation peut même être gommée en optimisant l’arrosage du jardin ou en réduisant le temps des douches par exemple.
Le piscine bashing du gouvernement
Mais le gouvernement, lui, semble découvrir le problème de la raréfaction de la ressource. Et, à défaut d’avoir suffisamment anticipé les problèmes actuels, cherche des boucs émissaires, pour faire diversion tout en faisant mine d’agir. Les piscines, qui ne représentent que 0,15% de l’eau prélevée en France, sont montrées du doigt et interdites de remplissage, voire de vente, dans plusieurs départements. Le remplissage des nouvelles piscines, lui représente 0,02% de l’eau prélevée. Voilà concrètement de quoi on parle. Cela va-t-il changer la donne ? Non. Cela va-t-il mettre la profession en danger ? Oui.
Nos dirigeants ne semblent pas prendre la mesure des défis environnementaux, et ne mettent pas en oeuvre les moyens adaptés pour y répondre. Concernant la gestion de l’eau, quelle politique a été mise en place par le gouvernement depuis ces dernières années ? Où sont les campagnes de sensibilisation à l’égard des particuliers, des agriculteurs, des entreprises ou des collectivités ? Chacun d’entre nous doit apprendre à économiser l’eau dans ses différents usages. Avoir les bons réflexes, être attentif dans tous ses gestes du quotidien doit devenir une bonne pratique, une habitude.
Par ailleurs, souvenons-nous que les fuites sur le réseau de distribution d’eau en France représentent 20% du volume transporté, c’est-à-dire 1,2 milliard de m3 chaque année. Dans certaines communes, l’eau perdue représente 50% de l’eau distribuée. Ce réseau nécessite un investissement massif, bien au-delà de ce qui est fait en ce moment, c’est à dire moins de 1% de canalisations changées ou rénovées par an. Ces chiffres sont à comparer à la consommation réelle des 3,2 millions de piscines en France : environ 48 millions de m3. Pour les chiffres complets de la consommation des piscines, retrouvez notre article Les vrais chiffres de la consommation d’eau des piscines privées.
Des conséquences graves pour la profession
Pour les professionnels des départements concernés par les arrêtés d’interdiction de remplissage ou de remise à niveau, les conséquences économiques sont potentiellement dramatiques. Chez les particuliers qui ont acheté une piscine mais qui ne peuvent pas la remplir, on imagine le désarroi. Quant aux piscines elles-mêmes, on sait que la structure et l’équipement vont souffrir, sans parler des problèmes de sécurité liés à des piscines à moitié vides. L’absurdité de ces arrêtés devient criante quand on imagine une piscine que l’on ne peut pas remettre à niveau, qui ne pourra donc à terme plus être ni filtrée ni traitée. On sait bien que certains propriétaires, découragés par l’eau verte, videront alors leur bassin, et où aura été au final la préservation de la ressource ?
La France est leader du marché de la piscine en Europe, que ce soit en fabrication, en construction, ou en R&D, et le secteur a presque doublé son chiffre d’affaires en 5 ans, pour approcher les 4 Mds d’euros. Cela vaut-il vraiment la peine d’attaquer un secteur qui progresse, et qui ne cesse de diminuer son empreinte environnementale, en consommant toujours moins d’eau, moins d’énergie et moins de chimie ? Plutôt que de porter un coup qui menace la vie même de certaines entreprises, ne faudrait-il pas apprendre aux particuliers à suivre leur consommation au jour le jour, à traquer les fuites et à optimiser les usages ?
Une piscine, ce n’est pas que de l’eau
Pour finir, il n’est pas pertinent de ne voir la piscine que sous l’angle de la consommation d’eau. C’est oublier que la piscine est aussi un lieu d’apprentissage de l’aisance aquatique, un espace de santé, particulièrement précieux sous des températures élevées, et une réserve d’eau pour lutter contre les incendies, de plus en plus prise en compte par les pompiers et les CCFF. La FPP, les 1500 professionnels de la piscine adhérents et les autres, sont conscients de l’impérieuse nécessité d’économiser l’eau. La politique mise en oeuvre par le gouvernement et relayée par les arrêtés préfectoraux serait bien plus efficace si elle s’appuyait sur une collaboration intelligente et constructive avec la profession. Ce piscine bashing est un calcul politique à court terme qui n’est ni fondé, ni efficace. Mais il peut malheureusement coûter cher à notre secteur.